Critique : Elysium (2013)

Elysium 1

Un peu plus près des étoiles.

Neill Blomkamp nous avait impressionné avec sa toute première réalisation, District 9, un neo-documentaire sur une invasion d’extra-terrestre en Afrique du Sud. Il y parlait évidement de science-fiction et d’invasion, mais aussi de nous, notre planète et notre politique, celle que l’on réserve à l’autre. Avec Elysium, son second long métrage, il poursuit sa réflexion sur le séparatisme social et ethnique, confirmant par la même le caractère visionnaire de son cinéma, un oeil posé sur le présent, l’autre tourné vers l’avenir. Il couche ici son regard sur les grandes pleines urbaines mexicaines d’aujourd’hui pour peindre la mégalopole Angeline de demain. Poussiéreuse, crapoteuse, en proie à une surpopulation dramatique, elle est le témoignage d’un eco-système périclitant. De l’autre côté de ce monde, les plus riches ont élu domicile sur Elysium, Mont Olympe planté dans l’espace, royaume du luxe et de l’éternité que les terriens, privés du confort matériel et sanitaire dont leurs dieux jouissent sans restriction, contemplent avec envie. Les échappées sont nombreuses pour accéder à cet Eden, mais elles se heurtent systématiquement au tailleur d’une ministre de la défense conservatrice et putschiste (délicieuse Jodie Foster). On connait cette chanson, celle du gouffre économique et des disparités sociales : les pauvres suent, les riches se pavanent, les politiques manipulent. La vision est manichéenne, elle n’épouse aucune forme de nuance si ce n’est celle d’un futur détenu par les mercenaires (Spider & Co.). Mais ce malheureux portrait est terriblement conforme à notre actualité, ou tout du moins, celle que l’on nous présente. Souvent, les films de science-fiction dont on retient le nom sont ceux qui parviennent à bâtir un pont entre le réel et la fiction. Indiscutablement, Elysium fait parti de ceux-là. Ainsi, le jeune cinéaste sud-africain se révèle, une fois encore, être un brillant architecte d’univers, foisonnant d’idées lumineuses qui apporte une profondeur visuelle supplémentaire à la quête de Max, anti-héros qui devra son salut à son exo-squelette, maltraitant sa chair pour avoir une chance de survivre. Le corps et la violence qu’on lui impose, une vision qui rappelle autant le triste destin de Wikus que les images produites par James Cameron ou Paul Verhoeven, la sexualité et le cynisme en moins. Mais Elysium, c’est aussi un plaisir esthétique, une sidération dont la beauté repose sur de magnifiques effets numériques, du photoréalisme qui accroit la familiarité et le réalisme de l’expérience vécue. L’oeuvre est donc aussi séduisante que radicale, tant dans sa forme que dans son propos, ce qui le conduit à bloquer ses perspectives aux portes de la révolution. Cependant, mis bout à bout, toutes ces qualités en font, au final, un superbe spectacle. (4.5/5)

Elysium 2

Elysium (États-Unis, 2013). Durée : 1h50. Réalisation : Neill Blomkamp. Scénario : Neill Blomkamp. Image : Trent Opaloch. Montage : Julian Clarke. Musique : Ryan Amon. Distribution : Matt Damon (Max), Jodie Foster (la secrétaire à la défense Delacourt), Sharlto Copley (Kruger), Alice Braga (Fray), Wagner Moura (Spider), Diego Luna (Julio), William Fichtner (John Carlyle).

22 commentaires

  1. Un excellent divertissement qui a le mérite de faire un peu penser contrairement à certains de ses collègues, preuve que Blomkamp est loin d’être l’homme d’un seul film. D’autant que l’on voit une nouvelle fois l’héritage du projet Halo avec les superbes scènes dans l’espace et le fameux Elysium, anneau géant. Sans compter l’armure de Matt Damon qui n’est pas sans être un hommage à Robocop, légitimement plus sincère que le remake qui va sortir dans deux semaines. 😉

    1. C’est un divertissement qui, comme tu le dis, porte quelque chose. Il y a du génie là-dedans, et des références qui ne sont jamais affichés comme telles.

    2. Pareil. En tout cas, j’avais déjà bien aimé les petites pointes d’humour qu’il y avait dans District 9 et Elysium.

  2. Plus sérieusement, on ne peut décemment pas ignorer la pauvreté de l’histoire & la leçon de morale grossière qui va avec…..
    Je ne reviendrai pas sur la réalisation inerte de ce pamphlet « sociétal » sans aucun intérêt. 🙂
    Cela dit j’en connais qui ont trouvé ça crédible & audacieux, je suis d’accord avec eux. Les 15 premières minutes, pas plus.

    1. De mon point de vue, l’histoire n’est pas pauvre, mais je peux comprendre que l’on déteste la vision sociale cloisonnée développée par le réalisateur.

    1. J’ai beaucoup aimé District 9 mais, à l’inverse, Elysium m’a beaucoup plus parlé. Peut-être une question de cadre ou de filmage.

  3. Belle défense pour cet « Elysium » très convenable. Pour ma part je me range à l’avis de Deuxième Séance (même si je n’ai pas encore fait le second voyage vers « Elysium ») : un très bon film de SF, schématique pourquoi pas, simpliste sans doute mais bien réalisé et formellement inventif (je ne comprends pas les critiques de ce point de vue).

    1. Je l’ai tenté une seconde fois. Le côté très blockbuster de la seconde partie, bourré à craqué d’action, m’a un poil plus gêné que la première fois que je l’ai découvert, mais l’impression global reste la même, grâce notamment à ce visuel, effectivement très inventif.

      Je trouve qu’Elysium a réussit tout ce qu’Oblivion a échoué en terme d’écriture filmique.

  4. Si on omet Blomkamp.. on aurait tous vus une petite série B, avec ses initiatives et ses (son?) échecs. Quoiqu’il en soit c’est un film très limité, avec une conclusion proche de la parodie et un grand manque de vraisemblance dans sa mise en scène du pouvoir.

    1. Je ne trouve pas la mise en scène du pouvoir si invraisemblable que cela. Une ministre de la défense qui joue sa propre partition dans l’ombre des autres secrétaires d’état, cela n’a rien de vraiment surprenant, surtout dans un contexte aussi radical que celui développé par Blomkamp. Le discours et la vision est limité, je suis bien d’accord la-dessus, mais elle me plait parce qu’elle traduit bien là le contexte dans lequel on est aujourd’hui plongé.

  5. Excellent ce Elysium, j’ai beaucoup aimé aussi la musique du film, assez futuriste, faite par Ryan Amon, pourtant inconnu au bataillon. C’est que Blomkamp l’a recruté après avoir entendu ses sons sur Youtube. Ça a ses bons côté la modernité 🙂

    1. Peut-être que l’on te retrouvera aussi, un jour, à la tête d’un grand blockbuster 🙂 Moi aussi j’apprécie la musique de Ryan Amon – pourtant, je suis loin d’être partisan des scores composé que de percu et d’électro.

Répondre à Ronnie Annuler la réponse.