Critique : Star Wars VII – Le Réveil De La Force (2015)

Star Wars VII 1

Impression du passé.

« C’est toi qui as peur. Tu as peur d’être moins puissant que Dark Vador ». Cette vérité énoncée par Rey à un Kylo Ren défait par son incapacité à lire dans l’esprit de sa captive résume le terrible défi de ce septième épisode. J.J. Abrams, cinéaste fou de culture de l’imaginaire, arraché de son poste de capitaine des derniers Star Trek (dont il a généreusement légué le commandement du troisième volet à Justin Lin), pénètre ici dans la chambre de l’ancien empire à la lueur de sa propre jeunesse, bercée par les productions Amblin et LucasArt. Ce gardien du temple souhaite en réveiller les illustres forces qui permirent jadis à ce vaste univers d’incarner Le Nouvel Espoir d’une génération en quête d’aventures galactiques afin de caresser dans le sens du poil la nostalgie hirsute des fans de la première heure, de consoler les mutilés de la prélogie, et d’enrôler de jeunes recrues prêtes à perpétuer cinématographiquement (et économiquement) la franchise. Abrams convie alors les anciennes stars à prendre part à cette troisième trilogie, heureusement moins pour en devenir les cautions morales et s’assurer les faveurs du public que pour jouer le rôle de passeur de mémoire. L’ancienne génération assure ainsi sa relève, incarnée respectivement par Rey, une jeune femme endurci au cœur orphelin (irrésistible Daisy Ridley), et Finn, un trooper se cherchant un autre horizon que celui tracé dès le berceau par le lebensborn impérial (John Boyega). Elle leur transmet leur héritage, cette histoire qui demeurait jusqu’alors une légende, un mythe, une lointaine vue de l’esprit. Elle comble également l’ignorance de ces jeunes spectateurs ne connaissant la toute première Guerre Des Étoiles que par l’entremise d’images et de récits d’un autre temps. Par ce dialogue qu’il instaure entre cette diégèse, ses spectateurs et son monde, Star Wars continue à entrer en résonance avec notre réalité, démontrant par là même que les fondations morales posées par Georges Lucas quarante ans auparavant, mêmes usées par le temps, demeurent intemporelles. La lutte entre l’obscurité et la lumière acquière d’ailleurs un tout nouvel éclairage avec cet antagoniste déchiré entre ce sombre héritage qu’il tente de s’approprier et ce lien affectif qui le retient avec son ascendant directe. Un personnage important, placé à un moment crucial de sa propre histoire, face à un choix déterminant pour lui même comme pour la suite de l’intrigue : s’émanciper de cette hérédité funeste et modifier ainsi l’arborescence morale de la lignée, ou devenir un écho du passé et assurer l’itération d’un destin. Ce sont les actes de ce Némésis qui décideront de l’avenir de la galaxie comme du futur de la saga. Sauf que le réalisateur, portant le fardeau d’une licence immensément populaire, annonce très rapidement – lors de la révélation d’un leader suprême bien moins Sidious que son prédécesseur – qu’il s’inscrira dans la ligne conservatisme offerte par le scénariste Lawrence Kasdan. Dès lors, on pressent les grandes orientations narratives qui occuperont cette nouvelle intrigue dont le degré de mimétisme avec le premier épisode historique de la saga est tel que le grand John Williams lui-même ne parvient pas musicalement à s’en défaire. Et son lustre de space-opéra à l’ancienne de rien n’y changer : Star Wars VII – Le Réveil De La Force est une impression du passé aussi charmante sur la forme que légèrement frustrante sur le fond. (3.5/5)

Star Wars VII 2

Star Wars VII – The Force Awakens (États-Unis, 2015). Durée : 2h15. Réalisation : J.J. Abrams. Scénario : Lawrence Kasdan, J.J. Abrams, Michael Arndt. Image : Dan Mindel. Montage : Maryann Brandon, Mary Jo Markey. Musique : John Williams. Distribution : Daisy Ridley (Rey), John Boyega (Finn), Harrison Ford (Han Solo), Adam Driver (Kylo Ren), Domhall Gleeson (le général Hux), Oscar Isaac (Poe Dameron), Carrie Fisher (Leia Organa), Peter Mayhew (Chewbacca).

18 commentaires

  1. En effet, on reprend les atours campbeliens de Star Wars pour installer une nouvelle mythologie. Un film où je suis ressorti heureux comme pour Max et comme un gosse. J’ai pris plaisir à voir le film les deux fois et ce même si je trouve la VF moins réussie qu’à l’époque de la trilogie (j’adorais Francis Lax qui doublait Han Solo). Un vrai bonheur avec pleins de possibilités pour l’avenir, de nouveaux personnages réussis (peut être pas Snoke mais on verra avec les années) et surtout un attrait visuel qui risque de mieux vieillir que la prélogie. Pour la simple raison que cela semble vrai. Pas réaliste mais ça ne sonne pas toc. Maintenant que tout est installé j’ai hâte de voir le travail de Rian Johnson et est intéressé par le spin-off de Gareth Edwards avec aussi une héroÏne (incarnée par Felicity Jones) en leader.

    1. En effet, comme tu l’as dit dans ton dossier, les épisodes de la prélogie paraisse déjà daté. C’est l’inconvénient, je pense, des films qui font des effets numériques une utilisation abusive.
      Après, j’attends moi aussi davantage des prochains films, surtout le spin-off – dont la musique sera composée par notre brave Alexandre Desplat.

    2. C’est triste un peu comme Robert Zemeckis. Lucas a instauré les films à décors quasi-totalement numérique comme Zemeckis la performance capture mais les deux n’ont rien fait de réellement concluant avec.
      Si les scénaristes ont écrit un personnage féminin aussi bon que Rey, je ne demande qu’à voir. Après il y aura le côté prévisible mais pourquoi pas?

  2. Je rejoins ta chronique sur ce retour au passé pour un film qui suit peu ou prou le même schéma narratif que le 4e opus. Le film rompt également avec la prélogie numérique et politique de Lucas, embourbée dans ses atermoiements et longueurs

    1. Et pas un mot sur la campagne marketing 😉
      Pour sûr, cet épisode est largement supérieur au I et au II.

  3. « Comme un gosse », j’ai eu exactement le même sentiment que Borat à ma sortie de salle tout à l’heure (eh oui j’ai attendu la VO, patiemment). J.J. Abrams maîtrise à mon avis de mieux en mieux le recyclage des reliques : trop déférent dans « Super 8 » le voici bien mieux coaché grâce à l’intervention Lol Kasdan. Cette nouvelle impulsion qui compacte avec brio non pas la structure de l’épisode IV (contrairement à ce que pense Oliver) mais carrément les épisodes 4 à 6, ouvre des perspectives passionnantes au-delà de celles qu’avait effacé George Lucas dans son inégale prélogie.
    En tous cas le film n’a pas manqué de réveiller la force de ta plume. très beau texte ! 😉

    1. Merci 🙂
      Je trouve quand même que cet épisode VII très empreint de la narration du IV. J’attends donc que ton article me convainque du contraire 🙂

    2. Pour cela il faudra patienter encore un peu (je peaufine, je peaufine).
      Quant à la structure narrative, si elle épouse celle de l’épisode IV en effet (même si, encore une fois, il me semble que l’épisode du pont est repris de « l’empire contre-attaque » et l’attaque finale du « retour du Jedi ») c’est à mon avis pour le meilleur.

    3. Oui, en effet, de ce point de vue, l’imagerie déployé par Abrams fait appel aux épisodes V et VI. Ceci étant, l’architecture narrative – le cœur du film – demeure largement sous l’emprise du IV épisode.

  4. à prince : je rejoins évidemment l’avis de 2flics concernant le schéma narratif de ce 7e volet. Mais hâte de lire ta chronique pour que nous puissions en débattre

  5. Maintenant, Abrams, qui aime tant entretenir la surprise autour du moindre de ses projets, à la difficile mission de surprendre véritablement pour le prochain opus, si tant est qu’il est toujours co-scénariste.

    Je reconnais qu’il a troussé un film aussi dynamique que son « M:I 3 », assez respectueux de son univers pour ne pas s’attirer l’ire des fans, mais justement trop droit et prévisible pour ne pas frustrer le reste de son audience. 🙂

    1. En effet, parfait techniquement parlant, mais trop peu surprenant pour réellement marquer les esprits.

  6. Effectivement. Un film bien fait, bien réalisé, bien joué par les nouveaux acteurs, donc un film qui a des qualités formelles certaines, mais on ne peut se défaire d’une impression de reboot pour jeunes générations tant le film ressemble à un remake de Star Wars. Et puis, j’ai des réserves d’ordre thématique sur le sort réservé au personnage de Han Solo et à l’arc narratif de son fils, qui contredit l’esprit de la saga d’origine. Je m’en explique sur mon blog (je redonne l’adresse: http://www.newstrum.wordpress.com) où j’ai également chroniqué le film. 🙂

  7. Un volet peu surprenant mais qui a au moins le mérite de faire la transition et d’introduire de nouveaux personnages. Magnifique visuellement, j’aurais aimé un peu plus de nouveauté sur le fond. Malgré tout, vivement la suite (sans oublier Rogue One en décembre) !

    1. On est d’accord 🙂
      Perso, j’attends beaucoup de Rogue One (finalement plus que de l’épisode VIII).

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